Saint Annibal-Marie De France (1851 - 1927) doit son nom à un aïeul provenant de la maison royale de France. Cet aïeul était frère du roi saint Louis, dont le nom est Charles d'Anjou ( son titre dans la famille royale ).
Il est le fondateur des Congrégations religieuses des Rogationnistes et des Filles du Divin Zèle
Ce deuxième ordre a été fondé avec l’aide de Mélanie de la Salette.
Il fut canonisé le 16 mai 2004 par Jean-Paul II: vif d'esprit et possédant de remarquables capacités littéraires, il répondit généreusement à l'appel du Seigneur dès qu'il l'entendit,
adaptant ces talents à son ministère. « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole » (Jn 14, 23).
Dans ces paroles évangéliques nous voyons se dessiner le profil spirituel d'Annibale Maria di Francia, que l'amour pour le Seigneur poussa à consacrer son existence tout entière au bien spirituel de son prochain. Dans cette perspective, il ressentit en particulier l'urgence de réaliser le commandement évangélique: « Rogate ergo... Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson. » (Mt 9,38). Il laissa aux Pères Rogationnistes et aux Sœurs Filles du Divin Zèle la tâche de se consacrer de toutes leurs forces à ce que la prière pour les vocations soit "incessante et universelle".
Le 7 juillet 2010, le Pape Benoît XVI a béni la statue de saint Anibal Marie de France
C’est donc un saint italien qui nous parle de Mélanie Calvat, la voyante de la Salette. Mélanie est décédée en Italie mais c’est un saint « de France » qui nous fait son éloge. Cette biographie est donc vue de l’intérieur, avec le cœur. Elle apporte un autre éclairage, beaucoup plus intéressant spirituellement que le premier, sur la vie de Mélanie.
L’éloge funèbre fut prononcé par le chanoine Annibal-Marie di Francia de Messine dans la cathédrale d’Altamura le 15 décembre 1905, à l’occasion, donc, du premier anniversaire du décès de Mélanie Calvat.
« Mélanie était une âme rare. Une créature angélique, un pur idéal d’innocence et de vertu, une existence sans tache, très suave, pleine des plus saintes aspirations de Dieu, de sa gloire et de son éternel Amour est passée par cette vallée de larmes...
Quand se présente le cas exceptionnel que la personne défunte et regrettée a été l’une de ces âmes rares, consacrées aux plus hautes perfections, dans lesquelles se trouve je ne sais quel air surnaturel et divin, quand ses affections ne se sont pas trouvées renfermées aux seules limites de la nature, mais ont présenté l’empreinte de l’éternelle Charité, quand les phases de sa vie et de sa mort sont contresignées par des événements et des circonstances qui sortent de l’ordinaire, oh ! Alors la tombe de cette créature d’élection est un autel, sa mémoire une bénédiction, les cérémonies funèbres elles-mêmes, les notes plaintives de l’orgue et les voix lugubres des chantres se changent en hymne de fête, ou bien forment l’écho de ces célestes cantiques dont les anges accueillent cette âme accomplissant son pèlerinage au royaume de la Gloire.
Et telles sont bien les solennelles obsèques et les cérémonies dont nous offrons aujourd’hui le tribut à notre bien-aimée défunte, à Mélanie Calvat, la célèbre bergerette de la Salette.
Des sentiments d’affection et de foi, une intime reconnaissance et une sainte vénération nous incitent à nous souvenir d’elle devant Dieu et devant les hommes. Elle nous appartint : il fut grand, l’amour qu’elle eut pour nous, grand aussi l’amour dont nous l’avons aimée. Maintenant, nous cherchons un soulagement à notre douleur, nous voulons entrer en relation avec cette chère âme, belle, innocente, tout enflammée de l’amour de Jésus et de Marie, qui néanmoins palpite pour nous ; nous voulons l’invoquer de cette terre pour qu’elle prie pour nous.
Les historiens de la célèbre apparition de la Très Sainte Vierge à la Salette disent qu’avant ce grand événement, Mélanie n’était qu’une petite bergère, frustre et ignorante, incapable d’apprendre un Pater Noster. Mais combien ils se trompent ! De grands mystères s’étaient déroulés entre Dieu et cette âme depuis son enfance.
Son bon père, quand elle n’avait que trois ans, lui montra un crucifix et lui dit : « Vois, ma fille, comme Notre Seigneur Jésus Christ a voulu mourir sur la croix pour nous ! » La petite fille y fixait son regard et, comme éclairée d’une lumière supérieure, sembla avoir pénétré en silence le sens intime de cette parole et de cette image. Depuis lors, une impulsion intérieure la poussait à l’amour de la Croix et du Crucifié.
Avec une intelligence incomparablement au-dessus de son âge, elle disait en elle-même : « Le Crucifix de mon père ne parle pas, mais il prie en silence, je veux l’imiter, je me tairai et je le prierai en silence ». C’est ainsi qu’elle se préparait à la contemplation.
La mère de la petite fille, femme non méchante, mais colère, la grondait sans cesse et lui intimait l’ordre de sortir de la maison. La petite Mélanie souriait néanmoins et embrassait cette mère irritée.
Un jour, elle avait près de cinq ans, sa mère lui ordonna de s’en aller et de ne plus revenir. La pauvre enfant se retira dans un bosquet voisin et pleurant son triste sort, comme elle écrit dans quelques-uns de ces mémoires, elle s’assit au pied d’un arbre, lasse et oppressée, et elle s’endormit.
Un songe mystérieux se présenta à elle et fut comme le prélude de toute sa vie, de tout son pèlerinage terrestre. Il lui sembla vois l’enfant Jésus, du même âge qu’elle, vêtu d’une robe rose, qui, l’abordant, lui dit : « Petite sœur, ma chère sœur, où allons-nous ? » Poussée par un instinct divin, elle répondit : « Au Calvaire ! » Alors, le céleste enfant la prit par la main et la conduisit à la montagne mystique. Pendant le voyage, le ciel se couvrait de nuages et s’obscurcissait, et une grande pluie de croix de toutes dimensions tombait sur elle.
Une foule de gens lui lançaient des injures et lui témoignaient leur mépris. Effrayée, elle serrait la main de son guide céleste, dont elle avait perdu la vue agréable au milieu des ténèbres. Tout à coup, elle lâche la main qui la conduit et tombe dans une profonde désolation. Néanmoins le voyage se termine et elle arrive au Calvaire. Là, il se présente une autre terrible scène : en bas s’ouvre un gouffre de feu, une multitude de gens s’y précipitent. L’âme épouvantée et mue par une impulsion divine, s’offre comme victime
de toute souffrance, pour le salut éternel des âmes, pour la conversion de pécheurs.
A ce moment la petite fille s’éveille : le soleil apparaissait à l’horizon, ce songe avait duré toute la nuit.
De retour à la maison paternelle, elle ne raconta rien de ce qui s’était passé cette nuit, elle garda le silence pour imiter le Crucifix de son père. Une vie nouvelle de souffrance et de recueillement commence pour elle. Ce céleste enfant vu en songe lui est toujours présent à la pensée, avec lui elle parle dans le plus intime de ses souffrances, et il lui semble qu’il l’appelle toujours du doux nom de « Petite sœur, ma chère sœur » au point que chaque fois qu’on lui demandait son nom, elle répondait avec une grande simplicité : « sœur ». Ainsi cachée et absorbée par les précoces contemplations d’une vie remplie d’immenses charismes du ciel (dont la révélation causera peut être une grande surprise dans le monde religieux), cette créature d’élection, dès son âge le plus tendre, buvait en silence le calice des humiliations et des mépris, chassée inhumainement plusieurs fois de la maison maternelle, et envoyée çà et là au service de plusieurs familles de paysans.
Un jour, sa mère irritée voulant, en quelque sorte, s’en défaire, la mit par punition, nous disait-elle en souriant, il y a quelques années, en service sur les montagnes alpestres de La Salette, dans une pauvre famille de paysans qui lui confièrent le soin de mener leurs vaches au pâturage.
Ces montagnes appartiennent à la grande chaine des Alpes françaises, élevées de près de deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer. L’hiver y est très rigoureux, mais quand une belle journée de printemps ou d’été y fait briller les rayons du soleil, elles offrent un spectacle sublime et enchanteur ? Là-bas tout en haut, à l’horizon une ceinture de montagnes escarpées, ici des vallées profondes et, tout autour de petites collines et des pentes tapissées d’herbes vertes mêlées à de petites fleurs sauvages.
Ce lieu inhospitalier, où l’on ne voyait presque jamais d’être humain, fit bientôt les délices de cette âme innocente, cachée, séparée du monde et tellement unie à son Créateur. Alors elle goûtait les paroles de saint Bernard : « O bienheureuse solitude, ô seule béatitude ! »
Mais quels mystères du divin amour se déroulaient dans ces lieux solitaires entre cette âme choisie et son Dieu ? Il est écrit : «Je la conduirai dans la solitude et je parlerai à son cœur ». C’étaient ses délices, pendant que ses vaches paissaient, de parler avec les petites fleurs du Bon Dieu, comme elle disait, pour les inviter à louer le Créateur et les plaindre de ne pouvoir l’aimer.
Ce samedi survenait à La Salette cette célèbre apparition de la Très Sainte Vierge à l’heureuse bergerette et à l’enfant Maximin, qui depuis huit jours fréquentait lui aussi cette montagne avec ses vaches.
L’apparition de La Salette a été une manifestation de la Mère des Douleurs. La Très Sainte Vierge était apparue pendant les vêpres qui précédaient la fête de Notre Dame des Sept Douleurs. Elle avait un crucifix sur la poitrine ainsi que le marteau et les tenailles, symbole éloquent de la mère douloureuse et désolée.
La Très Sainte Vierge, Mère de Dieu apparut avec les signes de la Passion, elle pleura pendant tout le temps qu’elle parla aux deux bergers, menaça le peuple de châtiments divins à cause du blasphème et de la profanation du dimanche et confia un secret à Mélanie et un autre à Maximin. Avant de disparaître, la Sainte Vierge avait dit par deux fois aux enfants : « Mes enfants, tout ce que je vous ai dit, faites-le savoir à mon peuple ! »
Cet ordre de la Très Sainte Vierge détermina un autre genre de vie pour la jeune bergère. Elle fut comme arrachée de sa chère solitude, enlevée à l’oubli et au secret de sa vie cachée, et elle devenait investie d’une mission qui devait lui coûter douleurs et larmes, ovations et mépris, vénération et calomnie, et de longues pérégrinations de pays en pays. « Tes lois sont le sujet de mes cantiques dans le lieu de mon pèlerinage » (Ps 118,54)
Ce ne fut que grâce à une continuelle assistance surnaturelle qu’elle put résister et persévérer jusqu’à la fin.
A partir de ce moment, Mélanie fut appelée à la participation plus intime aux peines de Jésus et de Marie.
Chassée de France par Napoléon III, elle alla en Angleterre et fit sa profession chez les Carmélites de Darlington. Vint le temps de publier le secret de La Salette, elle fut déliée de ses vœux par Pie IX, et de ce jour, qui peut dire les multiples vicissitudes de cette créature unique !
Encore jeune, avec ses vingt six ans, elle se trouve seule au monde, fugitive, erre un peu dans un pays, un peu dans un autre. Mais son esprit et son cœur se trouvaient toujours concentrés sur un seul point : l’accomplissement total de la volonté divine. En quelque lieu où elle se rendait, il semblait qu’autour d’elle l’atmosphère se purifiait et chacun était frappé de sa modestie, de sa suavité, de son silence. Ensuite, son aspect, son attitude à l’église, son recueillement, son extérieur humble laissaient entrevoir quelque chose de sa sainteté cachée. Elle restait ignorée partout où elle se rendait, mais lorsque, après un certain temps, elle venait à être découverte et vénérée, la pure colombe du Seigneur prenait son vol pour d’autres régions.
En religion, elle avait pris le nom de Sœur Marie de la Croix, et elle le conserva toujours. Dieu la voulait sans cesse crucifiée.
Douée d’une exquise sensibilité, d’un esprit sagace et pénétrant, profonde et intime dans ses affections, très sensible dans sa compassion des misères humaines, très généreuses dans le zèle de la Gloire de Dieu et du salut des âmes, elle eut dans toute sa vie des agonies spirituelles que l’on ne pourra comprendre qu’en Dieu seul. Ses journées et ses nuits furent remplies de ses larmes continuelles et de ses gémissements de mystique colombe. La plainte de la Très Sainte Vierge sur la montagne de La Salette lui était toujours présente, elle y associait ses larmes qui, à la fin, allèrent jusqu’à faire baisser sa vue. Mais le rayon lumineux et pénétrant de ses yeux noirs pleins d’intelligence et de contemplation ne fut pas amoindri.
A l’école de la souffrance se façonnent les trempes fortes et robustes de l’esprit. Mais ô combien les héros de la religion sont différents de ceux du siècle ! La souffrance des saints est l’imitation de Jésus Christ, le pur amour de Dieu, l’amour de la Croix, le triomphe de la grâce sur toute l’humaine faiblesse, c’est une souffrance qui se réjouit de donner une preuve d’amour à l’Aimé, qui s’enivre dans la souffrance elle-même et fait prendre part à cette soif mystérieuse qui faisait s’exclamer le Divin Rédempteur sur la montagne du Sacrifice : « J’ai soif ! »
La souffrance des âmes embrasées de l’amour de Dieu a des motifs très élevés et des fins sublimes. Le cœur, l’âme, les sens sont mis somme en un creuset parce que Dieu n’est pas aimé, parce qu’on le voit offensé, parce que l’on craint de l’offenser, ou parfois parce que dans le secret de l’esprit, le vivant Soleil de la Divine Présence se trouve comme obscurci, ou simplement parce que l’âme aimante voudrait comme s’anéantir afin que Dieu fût glorifié, ou parce qu’elle voudrait s’échapper du corps et voler vers les éternelles étreintes, et elle n’en voit ni l’heure ni l’instant. Ceci faisait crier au Prophète : « Malheur à moi car mon pèlerinage se prolonge ! »
Telle était la souffrance de cette créature privilégiée. Quelles furent ses tribulations intérieures d’un genre plus qu’ordinaire, ce n’est pas ici le lieu de les décrire. Elle confia à une personne que, jeune encore, elle eut dix années d’enfer dans son esprit. Alors on la crut folle ou obsédée, et on la conduisit à la Grande Chartreuse. Ensuite quelle sorte de souffrances n’éprouva-t-elle pas ? Cependant chose merveilleuse que l’on ne rencontre que dans la vie des saints, elle-même n’était jamais rassasiée de souffrir pour Jésus Christ. Elle disait dans ses transports : « Je prie le Seigneur qu’il me fasse souffrir et me cache. » Véritables caractères de vertu solide et de profonde humilité.
Admettant, bien qu’avec une foi purement humaine, l’apparition de la Très Sainte Vierge de La Salette, nous pouvons également admettre, en raison de diverses déclarations explicites de Mélanie Calvat, que la Très Sainte Vierge d’abord lui donna un secret, et ensuite lui aurait révélé qu’il surgira dans la Sainte Eglise un insigne ordre religieux, dit des nouveaux Apôtres ou des Missionnaires de la Mère de Dieu. Ceux-ci seront répandus par le monde et feront un bien immense à la catholicité. Ils auront un second ordre et un tiers ordre. Ils seront enflammés, pour la gloire de Dieu et le saut des âmes, d’une ferveur semblable à celle des premiers Apôtres. Les paroles contenues dans le Secret de Mélanie, par lesquelles la Très Sainte Vierge annonce la formation de ce grand ordre religieux, n’ont en vérité rien de notre humanité, elles respirent un souffle divin : elles sont la simplicité mise en harmonie avec le sublime.
La Très Sainte Vierge, après avoir annoncé cet événement futur, donna à Mélanie la règle qui devait suivre ce nouvel ordre religieux. Cette règle, Mélanie la conserva dans sa mémoire pendant douze ans, sans l’écrire. « Il semblait qu’elle était imprimée au-dedans de moi. » Disait-elle.
Plus tard le moment marqué par la Très Sainte Vierge pour la divulgation du Secret étant arrivé, Mélanie écrivit cette règle, mais alors il lui devint impossible de bien la conserver présente à la mémoire. Cette règle fut soumise au jugement d’une commission de cardinaux de la Sainte Eglise et jugée irréprochable. Elle est comme un chapitre de l’évangile et contient la quintessence de la perfection chrétienne mise en pratique avec la plus grande douceur et charité.
Je ne dois pas passer sous silence un long et saint martyre que souffrit cette âme privilégiée pendant toute sa vie.
Mélanie souffrit toute sa vie une agonie spirituelle, dans l’attente de voir s’accomplir la parole de la Très Sainte Vierge et surgir les nouveaux Apôtres de la Sainte Eglise. Au contraire elle fut témoin que la dévotion à Notre Dame de La Salette, par un dessein de Dieu, subissait persécutions et quelquefois semblait devoir s’éclipser. Ses regards étaient toujours tournés vers Rome, attendant que la suprême autorité de l’Eglise entoure de gloire et de splendeur La Salette, et qu’il en sorte la fondation désirée. Mais la prudence du Saint Siège en pareilles affaires et la Divine Providence qui règle et dispose tout réduisaient cette créature d’élection à une continuelle et parfaite résignation à la volonté divine. Alors elle aura dit avec Ezéchias, (Isaïe 38,17) : « Voici que ma suprême amertume se change en paix. »
Souvent elle se considéra elle-même comme un obstacle à l’accomplissement du plan divin, et alors elle s’anéantissait devant Dieu, et se mortifiait de différentes manières, désirait et soupirait, et implorait de mourir !
Si celle qui apparut sur la montagne de La Salette fut la Très Sainte Vierge Marie, la Mère immaculée de Dieu, si ce fut cette Mère incomparable qui confia un secret à Mélanie et à Maximin et donna une règle très sainte pour un nouvel ordre religieux de nouveaux et nombreux Apôtres, qui pourra douter que la promesse de la Reine du Ciel doive recevoir son entier accomplissement ? Dans ce cas, réjouis-toi, ô innocente bergère de La Salette, réjouis-toi en Dieu, ô âme choisie entre mille : ton long martyre n’a été qu’une préparation à une grâce ineffable ! Le sacrifice de ta vie sainte immolée comme un holocauste à travers les souffrances et les mortifications de toutes sortes sera béni de Jésus et de Marie, et son fruit sera la générations des Elus ! Et qui pourra les compter.
La vie humble, cachée et pénitente de Mélanie aura formé, en face de l’infinie bonté de Dieu, un titre à sa miséricorde en faveur de l’humanité. La vie de Mélanie qui commencera à être connue et admirée, maintenant qu’elle-même est séparée de ce monde, sera peut-être un motif pour apprécier cette divine règle dictée par la Très Sainte Vierge et les biens immenses qui en pourront découler.
Dieu connaît les chemins du cœur et il est écrit que « belles sont les voies de la Sagesse. » Quand, dans la sainteté d’une créature, se trouvent unis à une solide vertu un ensemble de situations diverses, d’événements, de fruits reçus à l’intime de l’âme, de fruits visibles à l’extérieur, dans lesquels le beau, le sublime, la pathétique, frappent, attirent, envahissent le cœur et l’imagination, alors tout l’homme est conquis et gagné à la vérité.
J’ai cru découvrir quelque chose de semblable dans cette vie et dans les diverses péripéties traversées par cette élue du Seigneur, au point de ne savoir s’il fut à notre époque dans le monde une autre qui pût lui être comparée.
Les quelques mémoires qu’elle écrivit (Saint Annibal-Marie fait ici allusion aux trois versions du récit de son enfance écrites par Mélanie sur ordre de ses confesseurs en 1852 à Corenc, en 1897 à Messine, donc sur son ordre, en 1900 à Diou), sur elle-même, par obéissance, mettront le comble à cette merveille.
Tout d’abord, c’est une petite fille qui habite dans les bois, souvent entourée d’animaux sauvages et d’oiseaux divers, se jouant avec les uns comme avec les autres ; puis c’est une jeune bergère solitaire qui conduit les moutons et les vaches dans les endroits escarpés et sauvages et là, assise à l’ombre d’un arbre touffu, prie ou parle avec les fleurs.
Mais voici que les grandes splendeurs du surnaturel l’environnent, la transportent jusqu’au ciel. La Toute-Belle, Celle qui est lumière, amour, grâce, poésie de l’Infini, la Vierge Marie, se montra à elle, lui parla. Voici le nom de la petit bergère, inconnu, vole de bouche en bouche et remplit les deux mondes.
Oh ! Combien ont envié son sort ! Combien ont désiré de la voir ! De la vénérer ! Combien ont essayé de baiser au moins un pan de son vêtement ! Mais la voici devenue plus belle encore par le soin continuel et plein d’humilité qu’elle prenait de se cacher ! L’heureuse bergère devient d’abord une vierge sacrée, consacrée à l’Epoux céleste.
Les habits de la pénitence, le silence des saints cloîtres donnent un nouvel éclat à sa beauté céleste. Elle était alors à la fleur de ses vingt ans.
En peu d’années, la bergère de La Salette, l’habitante des bois, la virginale colombe, la voici changée en pèlerine du monde, elle entre dans une nouvelle phase de son existence qui doit durer toute sa vie. Pendant cinquante ans environ, Mélanie de La Salette accomplit une mission ou un sacrifice auquel Dieu la destine pour ses desseins impénétrables : une vie nomade, errante, de pays en pays, toujours dans l’espoir d’en trouver un endroit où elle pût se cacher à tous, et où les hommes n’offenseraient pas Dieu !
« Quelques-uns, me disait-elle un jour, croient qu’il me plaît de voyager de-ci et de-là ! Mais combien ils se trompent ! » Et combien elle avait de motifs pour justifier se pérégrinations !
Messine, la cité de Marie très sainte, a reçu de tout temps les marques particulières de l’amour de Celle qui lui a promis sa protection perpétuelle. Mélanie de La Salette vint demeurer ici, pendant un an et dix-huit jours (Du 14 septembre 1897 au 2 octobre 1898). Son arrivée fut précédée de quelques signes qui tiennent du miracle.
Depuis quelque temps, un séjour de peu d’heures à Castellamare di Stabia m’avait fait souvenir de ce que je savais par la renommée, c’est à dire, que la bergère de La Salette se trouvait là. Grand fut mon désir de la connaître, mais ce fut en vain, parce que cette colombe fugitive avait porté ailleurs son nid. Elle se trouvait à Galatina, diocèse de Lecce. Il m’en resta un vide dans le cœur.
De retour à Messine, j’écrivis à Mgr Zola, évêque de Lecce, qui me donna gracieusement l’adresse de Mélanie, et bientôt j’entrais en correspondance avec la servante du Seigneur. Oh ! Quel parfum de sainteté me semblait s’exhaler de ses lettres ! Je m’en trouvais transporté au Paradis ! Un jour elle m’écrivit qu’elle allait quitter Galatina, mais qu’elle ne ferait connaître à personne sa nouvelle résidence. Cela me surprit et je me décidai à aller la trouver pour l’inviter à venir à Messine dans notre Institut. Ce fut pour moi comme un voyage de dévotion vers la Sainte Vierge, je souriais à la pensée de voir et d’entendre parler cette heureuse créature qui avait vu la Sainte Mère de Dieu et l’avait entendue parler.
Je vis Mélanie dans sa pauvre demeure, je conversai avec elle, j’entendis parler de la grande apparition de La Salette ; et sacrées et profondes furent mes émotions. Je l’invitai à venir à Messine, mais elle ne se décida pas. Elle me parla avec affection de Messine, me dit qu’elle portait sur elle, imprimée, la lettre de la Très Sainte Vierge aux habitants de Messine, et me la montra traduite en français. Et cependant elle ne se décida pas.
Notre Institut traversait alors une période de difficultés telles qu’il semblait devoir être supprimé. De retour à Messine, je trouvai mon pauvre Institut près de sa fin.
Alors je m’enhardis à exposer cette situation à l’Elue du Seigneur et lui renouvelai l’invitation, lui demandant de venir au moins pour une année. Immédiatement elle me répondit qu’elle acceptait, et viendrait dans le but d’organiser et de former cette communauté des Filles du Divin Zèle du Cœur de Jésus, qui sont préposées à l’éducation des orphelines recueillies, et qui ont embrassé la sainte mission d’obéir, par vœu, à ce commandement du Divin Zèle de Jésus. Luc 10,2 : « Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. »
Oh ! Mes filles en Jésus Christ, quelle heureuse fortune pour vous ! Mélanie, la fille de prédilection de Marie Très Sainte, la créature sage, noble et aimable a été l’Educatrice et en quelque sorte la Fondatrice de votre humble Institut.
C’était le 14 septembre 1897, il était 10 heures du matin quand Sœur Marie de la Croix se présenta sur cette place du Saint Esprit, je l’attendais au seuil de ce Saint Temple. Dès que je la vis, je ne pus m’empêcher de m’écrier : « D’où nous vient tant d’honneur qu’une préférée de la Mère de Dieu vienne nous trouver ? » Mais elle, se mettant tout de suite à genoux, implora la bénédiction du prêtre, ensuite elle entra dans la maison du Seigneur et assista dans un profond recueillement au Grand Sacrifice de la sainte Messe. Vous toutes, ô sœurs et orphelines, vous l’attendiez dans la grande salle du parloir. Vous étiez dans une sainte attente, comme si, à travers une créature terrestre, vous eussiez dû voir la Très Sainte Vierge en personne. Et non seulement la voir, mais la posséder au milieu de vous. Quel guide : Mère et Maîtresse ! Dès que vous l’avez vue à mon côté, vous êtes tombés à genoux, saisies de respect et d’affection et vous avez demandé sa bénédiction.
Mais l’humble Servante du Seigneur, confuse, se prosterna elle-même à terre et demanda la bénédiction du ministre du Seigneur pour elle et pour vous. Telle fut son arrivée dans notre pauvre Institut.
Je ne veux pas vous rappeler davantage les merveilles qu’elle opéra ici. Mon Dieu ! Nous avons assisté à des manières d’agir peu communes ! Tout dans cette créature était nouveau et souvent mystérieux, certaines vertus qui émanaient d’elle rappelaient des vies de saints. Tout d’abord, son innocence avait quelque chose d’enchanteur : c’était une colombe très pure qui semblait avoir survolé toutes les misères humaines sans avoir été atteintes d’une seule tache. C’était un lis parfumé de virginité, c’était une enfant à peine sortie des fonts baptismaux et cependant riche de prudence et de sagesse. Plus d’une fois, nous avons vu des petits oiseaux entrer dans le monastère et jusque dans sa chambre, comme s’ils la cherchaient pour jouer avec elle.
L’esprit de mortification et de pénitence qui la dominait fut singulier en elle. Sa nourriture était très rare, elle l’absorbait à très petites bouchées. Elle buvait également fort peu, et jamais à pleines gorgées. Avant d’être parmi nous, elle restait chaque semaine trois jours de suite sans boire et disait : « Il y a de si grandes soifs dans le monde ! » Le jour de Pâques, nous l’avons vu solenniser à table cette grande fête en prenant la moitié d’un œuf. Elle ne mangea jamais un fruit, jamais une friandise. Son sommeil ne dépassait pas trois heures et toujours sur la terre nue, comme vous avez pu le constater, mes sœurs. Combien de fois, au milieu de la nuit, l’avez-vous vue passer, une petite lumière à la main, à travers les dortoirs ! Que dirons-nous des macérations de son corps virginal ? Que signifiaient ces linges couverts aux épaules de sang frais, que vous avez eu l’occasion de trouver en mettant ses vêtements à la lessive ? Que signifiait cette table toute hérissée de clous disposés en croix, qui donnait le frisson et que nous conservons avec des taches de sang décolorées ?
Néanmoins, calme, sereine, tranquille, consommée dans la vertu et la souffrance, elle apparaissait au-dehors comme si elle ne souffrait de rien ; gracieuse et délicate dans sa démarche, ses manières et son langage, et comme si, en elle, les contrastes s’étaient harmonisés, elle était recueillie et sociable, humble et imposante, aimable et réservée, forte et soumise, et elle apparaissait plus qu’adulte et d’âge mûr, celle qui pourtant était une enfant. Elle était en réalité simple comme la colombe et prudente comme le serpent.
Là où je voudrais un langage d’ange pour parler de notre Mélanie, c’est quand je veux vous donner une idée de son fervent amour envers Notre Seigneur Jésus Christ et la Très Sainte Vierge Marie. En vérité sa vie fut une vie d’amour ! Elle aimait Dieu d’un pur amour, et les flammes de cet incendie mystique transparaissaient tantôt plus, tantôt moins. Tous les sens, toutes les fibres, toutes les facultés de cette créature de Dieu tressaillaient d’amour. Vous vous souvenez avec quel transport d’amour elle se nourrissait, toute une journée, de Jésus au Saint Sacrement. C’était son expression : « Ce que j’aime, je voudrais le manger ! »
Elle aurait voulu s’immoler à chaque instant pour que Dieu fût glorifié, Jésus connu et aimé en tous lieux, et toutes les âmes sanctifiées et sauvées. Sa foi vivante et son zèle ardent lui faisaient considérer les prêtres comme de nouveaux Christs, et lui faisaient désirer que la terre fût remplie de vrais Ministres du Sanctuaire.
Je renonce à décrire les merveilles dont vous ou moi avons été témoins pendant que Mélanie demeura parmi nous. Je ne dis rien de ses recueillements subits, dans lesquels elle semblait hors de ses sens et comme ravie en extase ; rien de cette sorte de divination des cœurs qui lui faisait lire les pensées cachées ; rien des deux ou trois guérisons d’orphelines survenues à la suite d’un signe de croix fait par elle ; rien de son extraordinaire confiance en la Très Sainte Vierge, grâce à laquelle elle semblait avoir toujours dans les mains et à temps voulu, les objets, la nourriture ou l’argent, selon les besoins de la Maison.
Qu’il passa vite le temps que nous gardâmes Mélanie de La Salette ! Vint le jour de son départ. Elle en était infiniment attristée. Vous vous souvenez bien avec quelle humilité elle se prosternait pour vous demander pardon ; mais vous, en sanglotant, avec combien plus de raison vous le fîtes comme elle. « Mère, lui disiez-vous à travers vos sanglots, vous souviendrez-vous de nous ? Nous recommanderez-vous au Seigneur ? » Et elle : « Oui, mes filles, toujours je vous porterai dans mon cœur ; toujours je prierai pour vous... Je vous laisse pour supérieure la Très Sainte Vierge. »
De Messine, elle alla à Moncalieri ; de Moncalieri elle passa en France. Elle fut à Diou ; elle fut à Cusset. Mais un jour elle dit : « Je ne veux pas rester en France, je ne veux pas mourir au milieu des francs-maçons ». C’est alors qu’elle résolut à retourner dans sa chère Italie, dans un lieu où elle ne fut connue de personne, et où, dans le silence et la solitude, elle se prépara à mourir. Désormais les feux du divin amour étaient devenus en elle prépondérants ; elle se sentait fortement attirée au ciel.
Altamura, de la province de Bari, ville heureuse et bénie, fut le terme de ses pèlerinages terrestres. Elle y arriva en juin 1904, ayant près de soixante-douze ans, et comme à bout de forces. Son excellence Mgr Cecchini, le très digne évêque des deux diocèses d’Altamura et d’Acquaviva, l’accueillit avec de grands égards. Il savait bien le grand trésor qu’il recevait dans son diocèse. Sur les instantes prières de la servante du Seigneur, il garda fidèlement le secret de sa venue. Il la confia sans la nommer à la noble et pieuse famille Gianuzzi qui ne tarda pas à constater l’extraordinaire sainteté de cette admirable étrangère, et se prit à l’aimer et à la vénérer. Mais celle qui, méprisée par les créatures, chassée de la maison maternelle, avait passé dans le silence et le secret les premières années de sa petite enfance, était destinée par Dieu à mourir dans une chambre étroite, dans un abandon total, séparée de tous, sans assistance ni aide d’aucune créature humaine.
C’est sa coutume, à Dieu, de révéler à ses serviteurs aimés le jour et l’heure de leur mort. Avait-il accordé la même grâce à la favorisée de la Très Sainte Vierge ? Nous l‘ignorons. Il faut pourtant remarquer que Mélanie Calvat, trois mois avant sa mort, quitta la pieuse famille Gianuzzi en lui rendant humblement grâce pour sa cordiale hospitalité et se retira dans un bas quartier, le plus éloigné de la ville. Chaque jour, elle se rendait à la cathédrale pour assister à la Sainte Messe et s’y nourrir de « son Bien-Aimé dans l’eucharistie ». Les fidèles à l’église étaient dans l’admiration devant l’aspect et le recueillement de cette inconnue.
Le jour du 15 décembre 1904, jour octave de la grande fête mondiale de l’Immaculée Vierge Marie précédant la sainte fête de Noël, on ne vit pas venir à l’église la servante du Seigneur.
Mgr l’évêque se hâta d’envoyer chez elle son valet de chambre s’informer si elle avait besoin de quelque chose. Celui-ci frappa à la porte, pas de réponse. Il refrappa, il frappa fortement ; mais toujours le silence. Il se hâta de venir prévenir Monseigneur qui, soupçonnant un accident grave, avertit les autorités civiles. On se rendit sur les lieux et, s’assurant que personne ne répondait, on brisa la porte et l’on entra.
La servante du Seigneur gisait sans vie sur la terre nue.
Ainsi sont morts les grands saints à qui l’Eglise a donné les honneurs des autels.
Saint Paul l’ermite et sainte Marie l’Egyptienne, dans le désert ; Saint François Xavier, sur une plage ; Saint Jean de Dieu, dans une chambre ; sainte Germaine Cousin, elle aussi bergère de France, dont la vie a bien des ressemblances avec la vie de Mélanie, mourut dans une étable.
Remarquons pourtant que le Dieu des miséricordes, prévoyant et plein d’amour pour ceux qui l’aiment, avait déjà précédemment pris ses dispositions pour sa servante. En France, avant de venir à Altamura, elle fut réduite à la dernière extrémité, et avait reçu sur son lit de mort le Saint Viatique et l’Extrême Onction. Oh ! Bienheureux ceux dont la vie est unie à Jésus ! Elle avait vécu pauvre, solitaire, pénitente, désireuse que tous l’oublient, seule, recueillie avec Dieu ! Elle voulut mourir comme elle avait vécu !
Mais quelles auront été les délicatesses d’amour de son Bien-Aimé, de celui qui est fidèle et vrai, dans ces solennels moments ? Quels auront été les secours pleins d’affection de l’Immaculée Dame, de celle qui, sur la montagne de La Salette, se montra si belle et si majestueuse ? Quelle aura été l’assistance des anges, ses frères ? Tout cela, il n’est pas permis à un œil humain de le scruter. Sa mort fut le résumé de sa vie !
Malavisés sont ceux qui croient qu’elle mourut sur la terre nue pour y être tombée subitement d’une syncope ! Non, la servante de Dieu, innocente et pénitente, ne faisait jamais usage de son lit, mais sur la terre nue, elle dormait ou reposait très peu d’heures de la nuit. N’est-ce pas le cas de s’écrier : « Puissions-nous mourir comme cette juste ! Puisse la fin de notre vie, ressembler à la sienne ! »
Adieu, créature d’amour, ouvrage complet de l’amour, du très pur et très saint amour de Jésus, le Souverain Bien ! Adieu, vierge virginale et prudente ! Quand, dans le calme de la nuit, la voix de l’époux t’appela, tu comparus devant Lui, avec la lampe mystique, bien fournie d’huile et de lumière !
Ils sont finis pour toi les travaux, les longs et fatigants voyages, les pèlerinages épuisants, les veilles, les pénitences et les profondes agonies du Saint Amour avec sa faim insatiable et son inextinguible soif de la Justice et qu’ici-bas, il ne peut trouver ! Maintenant tu es en possession du Très Haut. Cette pensée nous sourit : non, les flammes expiatrices n’ont pas été pour toi, ou du moins ton passage y a été rapide, et te voilà désormais entrée dans la joie de ton Dieu ! Te voilà déjà à l’heureux achèvement de tes ardents désirs de t’unir éternellement avec le Seigneur, qui, si souvent, t’arrachait ce cri : « Quand cela sera-t-il ? Quand cela sera-t-il ?... »
Sois dans l’allégresse, et dilate ton cœur dans la vision béatifique de ce Jésus, objet de tes soupirs. L’aspiration perpétuelle de ton cœur aimant, ce Jésus que tu suivis d’une manière intrépide dans sa voie douloureuse ! Sa croix fut pour toi délices, sourire et joie, « fleur qui jamais ne se flétrit », comme tu l’écrivais. Oh ! Que de fois, semblable à l’Epouse du Cantique, tu as langui d’amour pour le Bien Aimé ! Et tu en sortis presque hors de toi ! Et qu’en sera-t-il pour toi, là-haut, dans le règne de la très heureuse vision de l’Immaculée Dame pour laquelle tu étais transportée de filial, tendre et confiant amour ? Oh ! Ce : « Madonna mia, Madonna mia », avec lequel souvent tu l’appelais la Reine du Ciel, comment pourrons-nous l’oublier !
O Mélanie, de ce trône élevé sur lequel Dieu t’a placée dans le ciel, tes regards s’abaissent-ils encore sur cette terre ? Aimes-tu avec le même transport du cœur, ceux que tu aimas en l’exil d’ici-bas ? Mais que dis-je donc ! Est-ce que tout l’amour d’ici-bas ne se perfectionne pas au contact de Dieu ? Est-il possible aux bienheureux de ne pas aimer ceux qui encore les aiment.
Oui ! Tu nous aimes en Dieu. Quand un jour, pendant que tu étais au milieu des pauvres orphelines, on te dit : « Mère (c’est avec ce doux que l’on t’appelait), Mère, une fois partie vous ne vous souviendrez plus de nous – Ah ! Vous ne connaissez pas mon cœur ! » Fut ta réponse.
Et maintenant que dans le Royaume de l’Eternel Amour, tu nous aimes de la parfaite charité, ah ! Ne cesse pas de prier pour nous. Prie pour tous ceux qui te vénèrent comme une créature céleste.
Prie pour moi, qui apporte à ta mémoire ce faible tribut d’hommages, moi qui reçus de ton noble cœur tant de témoignages de pure et sacrée dilection. Oui ! Pour moi aussi adresse tes puissantes prières à l’adorable Rédempteur Jésus Christ et à Marie, sa Mère Immaculée. »
Saint Annibal-Marie de France, Joseph Blouin, Pierre Téqui éditeur
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